Millenium Tome 4 de Stieg Larsson : la protection des sources / by herwannperrin



Bien entendu, il s'agit d'une boutade, il n'y a pas de Tome 4, pas encore du moins, jamais sans doute quoiqu'il semble y avoir les quelques 200 premières pages de ce qui devait constituer le Tome 4 de ce qu'avait initié avecStieg Larsson avec sa trilogie très aboutie; il pensait initialement continuer la série... Mais plus globalement, j'avais envie de revenir quelque peu sur les imbroglios liés à Millénium et plus spécifiquement aux errements liés non pas à la succession mais plutôt à l'aspect relatif à la liberté de la presse et un de ses corollaires essentiels, la protection des sources.

Un sujet d'une importance capitale dans le cas de notre héros suédois de la trilogie en la personne de Michael Blomqvist et notamment vis-à-vis de Lisbeth Slander dont il connaît plus d'un secret.

Amusant qu'en parallèle de la lecture il y a quelques semaines de Millénium, était étudié à l'assemblée nationale le projet de loi sur la protection des sources. En effet, en France jusqu'à nos jours les journalistes ne bénéficiaient pas de la protection des sources mais d'un droit de silence (dixit Le monde). Aujourd'hui et notamment suite aux différentes arrêts de la Cour Européenne des droits de l'homme (CEDH) et plus précisément l'arrêt Goodwin en date du 27 mars 1996 dans lequel il a été déclaré que "le secret des sources est la pierre angulaire de la liberté de la presse".

En l'occurrence, le projet de loi français divise dans la mesure où si le principe est bien entérriné, la notion d'« impératif prépondérant d'intérêt public » reste une notion assez floue qui peut ouvrir la voie à des interprétations diverses... voir des abus. En fait, cette notion est une reprise des termes mêmes de l'arrêt Goodwin de laCEDH : " La Cour rappelle que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et les garanties à accorder à la presse revêtent une importance particulière (...) La protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse, comme cela ressort des lois et codes déontologiques en vigueur dans nombred'Etats contractants et comme l'affirment en outre plusieurs instruments internationaux sur les libertés journalistiques (voir notamment la résolution sur les libertés journalistiques et les droits de l'homme, adoptée à la 4è conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Prague, 7-8 décembre 1994) et la résolution du Parlement européen sur la non divulgation des sources journalistiques du 18 janvier 1994 (...) L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de "chien de garde" et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie. Eu égard à l'importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique et à l'effet négatif sur l'exercice de cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne saurait se concilier avec l'article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d'intérêt public.(...)"

"En l'occurrence, la Cour ne juge pas que les intérêts de Tetra (...) sont suffisants, même cumulés. (...) En résumé, la Cour estime que l'ordonnance de divulgation ne représentait pas un moyen raisonnablement proportionné à la poursuite du but légitime visé. Les restrictions que l'ordonnance de divulgation a fait peser sur la liberté d'expression du journaliste qu'est le requérant ne peuvent donc passer pour nécessaires dans une société démocratique, au sens du paragraphe 2 de l'article 10, afin de défendre les droits de la société Tetra en vertu de la législation anglaise, même en tenant compte de la marge d'appréciation laissée aux autorités nationale"

Et pour plus de précisions sur les enjeux liés à la protection des sources on pourra lire le billet synthétique de François Gilbert qui date un peu mais qui donne quelques unes des clés essentielles du débat. De plus, je vous conseille la lecture des différentes jurisprudences européennes sur le sujet et en particulier la situation enBelgique comme l'indique le Syndicat National des Journalistes.

A ce titre, il faudrait probablement encadrer de manière plus stricte les dérogations possibles ... Dans Le Monde du 16 mai dernier on pouvait lire : "L'Assemblée a adopté la plupart des amendements du rapporteur, Etienne Blanc (UMP), que la commission des lois avait retenus dont ceux qui modifient l'article 1er du texte, notamment son alinéa 5. "Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu'à titre exceptionnel et lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie", stipule cet alinéa."Au cours d'une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte, ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire". "Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources", précise la nouvelle version de cet alinéa".

Et puis sinon, le dossier sur le site de l'Assemblée Nationale... il faudra donc suivre cela de près afin que la liberté de la presse, élément essentiel du débat et du système démocratique, en sorte renforcée. N'oublions pas ce qu'indique l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi".

De manière plus didactique, on pourra également lire un petit historique de l'histoire de la liberté de la presse de 1789 à la loi du 29 juillet 1881