Pérou, 2007

Bercés par les mythes et les légendes, le Pérou et la civilisation des Incas interpellent. 

Les dessins de Nazca sont-ils œuvre humaine ? Les ruines de Saqsaywaman l’œuvre de cyclopes ? La découverte au début du XXème siècle, par hasard, de la cité perdue au sommet du Macchu Picchu renforce les questionnements et font partie intégrante de cette quête du merveilleux qui guide nos pas à la découverte de cette civilisation aujourd’hui disparue. 

La lecture d’Hugo Pratt avec Corto Maltese est tout entière tournée vers la découverte des cités d’or, de la merveilleuse cité d’Or ; celle que les espagnols ont cherché en vain. Toppi également en parle dans le trésor de Cibola.

Il y a peu, a été découvert enfouit dans la jungle ce qui serait la cité merveilleuse, Vilcabamba. Alors, bientôt, peut être, les secrets enfouis dans les profondeurs de la forêt et de la terre se révèleront à nous… Déjà des bruissements se font entendre, une tribu retirée au fin fond de la jungle serait la véritable détentrice des savoirs sacrés et des clés de la cité. On les voit revêtir les habits du Soleil le jour de la fête du solstice à Cuzco puis ils s’évanouissent. 

L’histoire de Païtiti entretient également cette fascination liée à la mythologie inca. Est-ce que cette ville immense qui se trouverait enfouie dans l'océan vert de la forêt amazonienne péruvienne a existé un jour ?

Le mystère reste entier et on l’espère encore pour longtemps, il y a des secrets qu’il faut mieux savoir cachés.

 

 LIMA

Arrivé dans la ville de Vargas Llosa, l'écrivain péruvien, avec à la main La ville et les chiens, son premier roman, cela permet de mettre en perspective quelques quartiers de la ville qui a bien évidemment évolué. Miraflores est là, Callao aussi l'avenue Bolognesi également et puis pleins d'autres petits détails. L'hôtel Espana nous attend dans son décor tout à fait kitsch et ses dédales impressionnants. Seul hic, la chambre en rez de chaussée n'a pas de fenêtre, question de sécurité sans doute... enfin, on prend quelques photographies qui immortalisent l'endroit qui est quand même bien agréable. En empruntant l’escalier étroit qui mène à une agréable terrasse sur les toits, on peut découvrir des chambres d’un tout autre charme cachées derrière quelques plantes vertes. En tout cas, le prix est franchement très très modeste... la course de taxi de l'aéroport nous a coûté 10$ si je me rappelle bien, en fait les prochaines fois cela oscillera entre 20 et 25 soles (la monnaie locale) soit près de la moitié... on apprend vite à négocier tout ici bien que la plupart du temps cela ne soit pas vraiment nécessaire, les prix étant presque fixes. Plutôt que de parler des tarifs de la course, je décrirais la traversée jusqu’à Lima et les consignes de sécurité des chauffeurs de taxi ce qui permet d’ouvrir en suite sur le paragraphe suivant où tu décris l’aspect sécuritaire

L'hôtel est près de la Plaza de Armas qui est gardée de manière impressionnante, véhicules blindés, policiers en uniforme qui patrouillent, c'est un leitmotiv auquel nous allons nous habituer, je crois que je n'ai jamais vu autant de policiers dans un pays. En ville, La sécurité est là, présente à tous les instants. En discutant avec un chauffeur de taxi, on apprend que ce serait en partie pour nous qu'ils sont là, pour que le touriste et ses devises soient en confiance... 

En tout cas, nous n'aurons pas été embêté une seule fois durant tout le séjour, pas une seule fois un doute ne nous a assailli quand à une situation difficile, il fait bon vivre au Pérou, du moins dans les quartiers et les villes visités. Il n'empêche que lorsque l'on va ou que l'on revient de l'aéroport, on traverse quelques quartiers qui absorbent l'afflux de personnes venant à Lima trouver l'Eldorado... et qu'il s'agit bel et bien de bidonvilles. Un jeune guide péruvien de 19 ans nous racontait que lorsqu'il vivait à Lima, dans la mesure où il habitait un quartier pas très net, il préférait rester dormir chez ses amis quand il sortait plutôt que de revenir chez lui...

La nuit est là qui tombe rapidement, nous sommes déjà dans les ruelles de la ville et nous parcourons  curieux, avec une vague idée de direction quelques unes de ces ruelles où les visages sont inconnus et le resteront à jamais. Errance dans la nuit d’une ville nouvelle. On s'arrête à Gran hotel Simon Bolivar, célèbre hôtel de renom qui jouxte la Plaza San Martin où l'heure des retrouvailles avec le passé et les coutumes locales se fait sentir. Tentative d’apprivoisement avec la boisson locale, le Pisco sour. Il s'agit d'une boisson alcoolisée, eau de vie de raisin propre au Pérou et au Chili. Les deux pays l'affirment comme étant leur boisson nationale. Au Pérou, "ce produit a été exporté depuis le port de Pisco à deux cents kilomètres au sud de Lima. Le mot Pisco provient du quechua : dans la langue quechua, on appelait pisqu (pisku, phishgo, pichiu) les oiseaux qui abondent dans la zone des vallées de Pisco, Ica et Nazca". L'entrée de l'hôtel est somptueuse, presque un décor de cinéma des années 20, il manque juste un voiturier… Si vous avez les moyens peut être est-ce une expérience que d’y séjourner ? Allez savoir... 

Ensuite, c’est l’appel de la vie nocturne qui se fait ressentir, les palpitations se font plus sauvages et nous partons à la conquête des ruelles pleines de ce  brassage de couleurs, de cultures, d’âmes perdues. Nos pas nous dirigent vers ce qui devrait être  le cœur de l'âme musicale péruvienne... il s'agit du Bar Yacana sur une des ruelles  menant à la Plaza de armas, vision aérienne sur la ville et ses déambulations étranges. Il s'avère que l’antre de la musique péruvienne est plutôt un simple  bar tout ce qu’il y a de plus  neutre, voire un peu sombre même, une petite exposition aléatoire et désastreuse sur une mezzanine est là sans vie, quelques croquis et œuvres jetées là, rien de bien fascinant... et puis la musique péruvienne a fait un bon dans le temps, un bon qui nous renvoie à Morrissey et Pulp ce qui ne manque pas de piquant lorsque l'on débarque d'Europe, un petit air nostalgique retentit et nous plongeons dans les méandres.

Le lendemain matin, le premier constat qui s’impose est que  le café péruvien n'a pas son pareil pour réveiller les morts, seulement nous ne le sommes pas, du moins pas encore. L’option retenue sera celle plus amer du maté de coca, ambiance locale quand tu nous tiens, l’enivrante odeur du maté du brésil à l’argentine en passant par le Pérou, que l’on ne s’y trompe pas, c’est un délice aux subtilités peu connues. Sinon, pour les petits matins où la faim se fait tenaillante,  rendez-vous dans la rue, dans un bar ou au marché central pour déguster avec la plus grande délectation  une plâtrée de riz avec des frites et du poulet ou mieux encore,  un petit sandwich de rue composé de  poulet chaud nappé de quelques oignons et d’une petite sauce qui vous fera revenir du royaume des absents plus que rapidement. Appréciez également les fruits naturels qui tombent littéralement des arbres et faites vous presser  un jus digne des temps immémoriaux d’avant l’âge de l’homme, éviter ces compositions généralement si savoureuses et onctueuses que sont les  milkshakes, ils sont agrémentés de  lait concentré sucré (Nestlé) et le goût final est très loin de ce à quoi l'on pourrait s’attendre...

Pour une première approche de Lima, préférez la marche sans contrainte ni plan. La perte de repère est éclairante sur la manière d’appréhender une ville et de s’y diriger. Vous vous apercevez alors que  les distances sont finalement très courtes et que la  structure par block est simple pour se repérer. Déployez-vous dans le quartier central puis émigrez vers  Miraflores pour appréhender les nouveaux riches, l’occidentalisation et la mondialisation rampante, le coût de déplacement est dérisoire, 1,5 soles. 

Le règne du building est là, surplombant de toute sa hauteur l’océan aux alentours, l’ombre des tours perchées se fait ressentir et on ne peut qu’être affligé par l’absence de vision architecturale d’ensemble, l’anarchie des constructions. Prenez une bouffée d’air pur avec le Pacifique qui s’étend devant vous à perte d’œil et laissez-vous guider par ces grands aigles que sont devenus les quelques parapentes qui errent à côté du Parque del Amor.  

Côté culturel et notamment au niveau des musées, Lima est malheureusement décevante.. Le musée des Beaux Arts est pour ainsi dire, pitoyable et ne mérite pour ainsi dire pas son nom. Préférez encore une fois la ballade photographique au hasard des rues et des parcs…avec les quelques galeries ouvertes. Le marché dans le quartier chinois permet de se faire une idée  des produits que vous allez rencontrer tout au long de votre périple  les odeurs, les couleurs…l’exotisme….la variété des fruits…

Passez quand même au Musée de l'Inquisition, prenez les dédales  proposés et imaginez, imaginez et projetez vous dans le passé. Le parcours reste trop succinct et plein de raccourcis mais cela permet de se faire une idée de ce qu’était la torture à l’époque (des méthodes qui ne sont si éloignées de celles qui existent encore aujourd’hui dans certains pays …). Avouez et  expiez vos pêchés mes chers amis sinon le diable vous mangera tout cru ou bien l'Inquisition... c’est un peu pareil…

Arrêtez-vous alors au Monastère de San Francisco qui vous réconciliera peut être avec la religion et perdez-vous dans les catacombes réorganisées qui passent sous l'église. Prenez garde de ne pas vous montrer aux fidèles qui sur terre prépare leur départ, vous pourriez le hâter.   C’est  l'occasion de voir une sublime bibliothèque qui malheureusement tombe complètement en décrépitude avec aux alentours, des  réalisations architecturales impressionnantes dont un dôme de bois qui se tient d'un seul tenant. 

A la nuit tombée, direction Barranco, c’est le côté sauvage et vrai de Lima et de ses nuits qui vous attend, loi du cycle infernal touristique, l’authentique  est de rigueur mais il faut bien choisir votre jour car dans le cas contraire, c’est la morne vallée qu’offre en pâture ce  charmant petit quartier. Arrêtez-vous chez Juanito's, outre un passé socialiste l’endroit ne paye pas de mine de prime à bord mais lorsque vous vous enfoncez dans l’arrière bar, c’est un  petit bar à vins qui s’offre à vous, un de ceux qui ne se font plus où les tintements de verre permettent de partir à la découverte de vins locaux et des voyages qui vont avec ; le tout s’agrémentant, c’est presque une obligation, du célèbre  sandwich local, 100% garanti un rien piquant pour le jambon du nord ou du pays avec quelques gouttes de citron vert pour faire fleurir les saveurs… Faites attention, l’accoutumance est rapide.

 

AREQUIPA et PUNO

L'organisation des Incas : A la lecture du livre d'Alfred Métraux "Les Incas" on apprend que: "le mythe du grand Etat socialiste des Incas procède d'une conception assez sommaire des institutions. Le régime de la propriété notamment, ainsi que les obligations des sujets envers l'empereur, ont été interprétés selon une terminologie et des notions européennes ne convenant que très imparfaitement à une civilisation qui, malgré sa complexité et son raffinement, était encore, à bien des égards, archaïques". En effet, pendant longtemps il était communément accepté que "les souverains de l'ancien Pérou, désireux de faire régner la justice et la prospérité dans leur royaume, sitôt une province conquise, la divisaient en trois parties, dont la première était pour le Soleil, la seconde pour le roi et la troisième pour ceux du pays. Les champs du Dieu Soleil étaient cultivés pour les besoins du culte et leurs produits servaient à entretenir un nombreux clergé. Le domaine de l'Inca, exploité au profit du gouvernement, aurait ainsi été utilisé à la façon d'une caisse de secours lorsqu'une calamité frappait quelque province. Enfin, le dernier tiers des terres arables, divisé annuellement en lots égaux, aurait été réparti entre les familles de chaque communauté à proportion de leurs membres. La propriété privée de chacun se serait réduite à la possession d'une hutte, d'un enclos, de quelques animaux domestiques et de biens meubles, tels que vêtements et outils". La réalité de l'organisation de l'Empire et des rapports de forces étaient en fait bien différent et on peut aisément parler de despotisme combinant un respect de l'ordre social et politique des populations assujetties.

Arequipa la ville blanche, la perspective de grimper sur le toit du monde et de le descendre en roue libre,  votre sang ne fait qu’un tour. C’est vrai que le Chachani culmine à plus de 6000m d'altitude. Le downhill, activité consistant à descendre des montagnes en VTT s’avère une première qui nous permet d’affronter la montagne d’égal à égal en quelque sorte, posés à plus de 4800 mètres, l’air est rare et la  vue à vous couper le souffle , les efforts deviennent intéressants. Quelques condors égarés virevoltent dans le ciel azur, des virounas sauvages et même un renard accompagne la descente vertigineuse, le tout enrobé dans une lumière d'une beauté irréelle avec cette pureté caractéristique des hauts sommets.  

L’arrivée à la rivière qui méandre en contrebas permet d’avoir une vision d’ensemble que vous ne regretterez pas. 

Arequipa regorge de petites caches secrètes à découvrir au hasard des pas et des balades. La quiétude est au rendez-vous du Monstaerio de Santa Catalina, véritable petit monde  intérieur, presque une petite ville à lui tout seul, 20.000 m² de dédale de ruelles, d'habitations, le tout richement et proprement (un peu trop) restauré. Sur les côtés de la Plaza de armas, un petit coin d’orient s’offre à vous, un monde de pierres taillées aux coupoles joliment dessinées qui pointent vers le ciel et en appellent à la beauté des lieux. 

Surplombez la Plaza de armas dans le dédale des terrasses et appréciez la vie tout simplement, des moments rares à déguster tendrement.  

Puis, partez à la découverte des environs sauvages de la ville et de ses villages avec comme destination Yumina. Rien d’exceptionnel que le quotidien de la plupart des péruviens dans ce village fantôme en haut des collines si ce n’est la variété des couleurs et des paysages traversés et des rencontres effectuées. 

La communication et les incas: Notre ami Alfred Métraux nous indique qu'au temps des incas, l'efficacité de l'administration inca était grandement liée à leur service des postes. Eh oui... déjà à l'époque : "les villages situés le long des routes devaient fournir des Chasqui, messagers, choisis pour leur agilité et leur endurance. Ils étaient installés dans des cabanes placées à de courtes distances de façon à ce que le trajet entre elles pût être couvert au pas de course. Pour ne pas perdre une minute, le chasqui annonçait son arrivée en sonnant de la conque afin que le coureur du prochain relais, alerté, puisse venir à sa rencontre, recevoir le message et partir. Les nouvelles circulaient ainsi la plus grande rapidité. Il ne fallait pas plus de cinq jours à l'Inca, dans sa résidence de Cuzco, pour obtenir des nouvelles de Quito, à mille deux cent cinquante milles. C'était par ce moyen que l'empereur était informé des révoltes qui éclataient sur son territoire ou des attaques qui menaçaient ses frontières les plus lointaines"

Entre Arequipa et Puno, ce qui restera gravé, ce sont le défilement des paysages sans cesse renouvelés. Les variations désertiques se succèdent  à un rythme effréné, beauté de ces moments, de cette aridité de cette absence de végétation et des couleurs qui se dessinent, qui s'estompent avec la journée qui avance. 

Puno, c'est la ville aux milles lumières qui offre une vue imprenable sur le Lac Titicaca, plus haut lac du monde qui culmine à plus de 3800 mètres. Prenez garde de vous munir de couvertures d’alpaca, les réveils peuvent êtres rudes et l’eau d’une fraîcheur inhabituelle.

Embarquement aux aurores vers l'île des Uros, un petit coin de paradis. Des habitants qui vivent exclusivement sur une île tressée de roseaux, flottant au milieu du lac Titicaca et ne venant à terre que pour faire le marché, pour faire du troc. Des familles qui vivent toutes dans ces îles flottantes. Situés à environ 5km de Puno, les habitants des Uros  se protégeaient des agressions d'autres tribus indiennes dont les Collas. Le cœur de l'île est fait de Totora, sorte de roseau dont vous pouvez manger la tige blanche  qui a des vertus purifiantes pour ceux qui en consomment sans modération. Les Uros ont maintenant disparu et le paradis perdu est devenu celui des touristes…

Décidez de partir à la rencontre des  ruines des tours funéraires de Sillustani où est enterrée l’aristocratie de la tribu guerrière des Collas. Un site isolé, en surplomb d'autres îles et environs, vous planez dans cet espace-temps qui vous donne l'impression d'être à la fois en Ecosse ou sur les rives des montagnes où Thorgal trouvera les dieux. Étonnante découverte où les couleurs vert de gris reflètent les changements de saison ; la beauté de la lumière qui s'attache et offre des vues sans réelle fin. Les moutons et les lamas gambadent, la vie respire tout simplement.

Revenez sur vos pas, arrêtez-vous chez quelques habitants et découvrez les maisons des guinea-pig, les cochons d'inde sont un met particulièrement raffiné et recherché au Pérou. Préférez quand même un bon steak d'Alpaca accompagné d’une délicieuse compote de pomme... 

Partez en ballade pour les îles Taquile qui se situent à environ 7km de Puno. Le départ se fait relativement tôt afin de pouvoir profiter du dernier bateau qui lève l’ancre aux alentours de  14h30. La traversée est magique, près de 3 heures de vues imprenables sur une mer de montagne et peur assurée lorsque la tempête s’annonce pour le retour, une petite coque de noix qui est presque prête à s’envoler, à se retourner et la vie s’en irait alors… le temps  s’interrompt sur l’embarcation, il  devient lourd, long et les silences se font pesant. 

Enfin, le sublime est au rendez-vous à Taquile, le soleil à son firmament, après la montée éprouvante, on se sent revivre... vue démentielle, on est à la fois en haut et au bout du monde, toujours cette sensation d'encerclement des montagnes au lointain, au milieu de cette presque mer à près de 3800 mètres, c'est à al fois magique et superbe.   Arrêtez-vous quelques minutes dans une cantine locale et savourez langoureusement la soupe de quinoa et le poisson fraîchement pêché dans les eaux translucides du lac Titicaca, le temps de la renaissance n’est pas très loin.

De retour en terre, partez en découvertes culinaires et découvrez pour ne plus jamais le quitter le Casillero del diablo, petit Cabernet Sauvignon chilien (et sa légende...) dont on ne se lasse pas, tant mieux, c'est presque le seul vin disponible... 

Etonnante cuisine péruvienne qui  contrairement à ce que l’on peut imaginer regorge de trouvailles et de variations dans les goûts et assortiments.

 
 

CUZCO

Rallier  Cuzco vous permet de  joindre l'utile à l'agréable, d'égrener une journée de transport ponctuée de petites haltes. 

A Abra de la Raya,  vous êtes à la frontière entre la région de Puno et Cuzco, à près de 4300 mètres , la route est désertique, seulement peuplée de quelques maisons à flan de colline, de montagne. Quittez alors ce point et redescendez vers la vie, vers les arbres  et les cultures, activité principale de la région. Faites un arrête  à Raqchi, au milieu des montagnes rouges sang et découvrez les vestiges du temple de Viracocha. Recueillez-vous dans  la splendeur du XVIIème siècle avec  l'église baroque d'Andahuaylillas, , surnommée la chapelle Sixtine de l'Amérique latine. Perdue au milieu de nulle part, le sublime est au rendez-vous. 

La religion et les incas: Petit retour en arrière sur l'importance de la religion chez les incas : "Comme les pharaons, les Incas, en instaurant dans leur Empire le culte du Soleil, ont donné à leur impérialisme une sanction religieuse et cherché à créer un lien entre eux et les peuples soumis. Ils n'étaient pas hostiles aux religions locales, mais exigeaient que dans chaque province une place privilégiée fût accordée à leur ancêtre, le Soleil".

Également étonnant d'apprendre que "l'or et l'argent n'étaient appréciés qu'en tant que matières pour ornements et objets rituels" il n'existait pas de monnaie...

Cuzco, la ville en forme de Puma, se dresse dans toute sa longueur et sa croissance, ville touristique par excellence où les prix sont légèrement démultipliés. Notre point d'orgue sera SanBlas avec pour les quelques jours sur place deux hôtels très sympas. Le premier est grand luxe, c'est Amaru Hostal et son petit patio fleuri ou vous ne pouvez que vous sentir bien et ensuite c'est l'Hostal San Blas, juste en face ou presque où nous avons pu hériter d'un lit géant avec vue de nuit sur la ville étoilée. Il est à noter : "Quand, premiers hommes de notre race, ils y pénétrèrent en 1533, les temples n'avaient pas encore perdu leur plaque d'or qui, telles des corniches, en décoraient les façades. La ville leur parut si grande qu'ils racontèrent "qu'en huit jours ils ne purent tout voir". Ils furent également frappés par les rues "bien tracées et bien pavées". Quelques mois plus tard, Pizarro et son armée prirent possession de Cuzco…

Au cœur de Cuzco, la célèbre Plaza de armas se dresse, satellite incontournable avec ses églises, ses  balcons. Occasion nous est donné de se promener dans tous les quartiers adjacents. Evitez de vous user les yeux sur les danses folkloriques proposés, les péruviens avaient l’air  d'apprécier mais vu la scénographie, la musique et le rendu acoustique, c'est une expérience à ne pas tenter. Si par le plus grand des hasards vous rencontrez une cantatrice avec pour ainsi dire toute la bourgeoisie locale, fuyez sauf si vous aimez les ambiances de kermesse grésillante de fin d'année Le musée d'art populaire est franchement déplorable qu’on se le dise.

Ceci expliquant peut être cela : les incas étaient préoccupés par les travaux agricoles et pour affiner et connaître le moment des semailles, ils ont du trouver des solutions. Une de celles-ci a consisté en la création peut être par Pachacuti "sur la  crête d'une montagne à l'ouest de Cuzco, quatre petites tours de pierre, visibles d'une plate-forme située au milieu de la grande place de Cuzco. Les deux tours du milieu étaient rapprochées. Lorsque le soleil atteignait la première, ils se préparaient pour les semailles et lorsqu'il se couchait entre les deux piliers du centre, c'était le moment de semer au Cuzco". 

Ah oui, également, un petit aparté sur les sacrifices humains : "Les apologistes de la civilisation inca, dont Garcilaso de la Vega, ont jeté un voile pudique sur les sacrifices humains qui étaient pratiqués de façon courante, soit en les niant, soit en diminuant leur importance. Les incas ne se sont jamais complu aux hécatombes des Aztèques, mais ils n'en immolaient pas moins des victimes humaines à leurs grands dieux et à leur principales huaca"

A Cuzco, la vie de la rue s’offre à vous et  permet de s’affranchir des distances et de découvrir encore et encore des mets locaux. Le quartier de San Blas est un petit bijou   de part la vue qu’il offre sur la cité éveillé et endormie, son enchevêtrement de ruelles tout en en surplomb. L’errance peu commencer à la nuit tombée ou au crépuscule et laissez s’exprimer la ville étoilée de mille feux, lui donnant ainsi un aspect irréel.

Aux  environs de Cuzco,  le site de Saqsaywaman se dresse. Vue imprenable sur la ville vivante et son étendue. Saqsaywaman, ou les vestiges d'une forteresse qui fut en 1536 le théâtre d'une des plus grande bataille d'alors entre Espagnol et Incas, entre Manco Inca et Pizarro. Il ne reste malheureusement que les structures les plus imposantes, le reste ayant été démantelé par les espagnols pour construire leurs demeures dans Cuzco. Il y a toujours ces impressionnants enchevêtrements de roches sans mortier par un ajustement qui semble avoir été fait par des mains non humaines tellement cela semble parfait: "de grandes pierres polygonales étaient utilisées, s'emboîtant parfaitement les unes dans les autres sans laisser le moindre espace vide". Ces structures et cet assemblage permettant notamment de mieux supporter les mouvements de plaques et tremblements de terres fréquents dans la région ce qui n'est évidemment pas le cas des structures espagnoles... A cet égard, on notera "qu'il n'y a pas longtemps encore, les archéologues attribuaient l'appareil polygonal, de type "cyclopéen", à un empire mégalithique bien antérieur à celui des temps dont Tiahuanaco aurait été le centre (...) En fait, la chose est prouvée, les deux appareils, le cyclopéen, comme celui aux assises rectangulaires, sont contemporains et ne remontent pas au-delà du XVème et même du XVI siècle".

D'après ce que peut en dire Alfred Métraux : "la masse impressionnante des édifices construits par les Incas, leur appareil cyclopéen, le tracé audacieux des routes de montagne, les immenses terrasses de culture ont beau nous inspirer la plus vive admiration pour les souverains qui ont ordonné de tels travaux, ils ne nous font pas oublier le labeur des ouvriers employés à leur construction. la plupart des chroniqueurs louent l'esprit de justice qui présidait à la répartition du travail. Il semble en effet que le nombre de paysans astreints à la corvée fut faible par rapport au reste de la population. S'il est exact que la forteresse de Sacsahuaman, l'édifice le plus colossal réalisé par les Incas, ait été bâtie par trente mille hommes, on a calculé que ceux-ci ne représentaient que 1,9% du nombre total des assujettis c'est-à-dire des hommes adultes entre vingt et cinquante ans, si on estime l'Empire à huit millions d'individus, et que 3,8% si l'on accepte que la moitié de ce chiffre"

Ensuite, prenez le temps  de parcourir les sites de Moray et Salinas (Salines de Maras) non loin de Cuzco, deux véritables petits joyaux  perdus dans la campagne que vous pouvez rallier assez simplement Moray, c'est un laboratoire de culture mis en place par les incas dans une cuvette, des berges concentriques qui s'étagent, il y a trois petits laboratoires qui se succèdent de dimensions différentes : "il s'agit de terrasses situées près de Cuzco, disposées en cercles concentriques, le centre du cercle étant le niveau le plus bas des terrasses. Les scientifiques modernes se rendirent compte que chaque niveau avait une température différente. Ceci aurait permit aux Incas d'étudier l'acclimatation des céréales, tubercules et autres plantes servant à leur alimentation. Ils purent faire des croisements et des améliorations de certaines familles." Le site est presque vierge, devant les montagnes au loin, il n'y a pas âme qui vive aux alentours, c'est un grand moment dont il vous faut profiter, il faut dire que les incas ont été à la source de pas mal d'expériences qui leur ont permis de faire émerger par exemple la pomme de terre telle qu'on la connaît aujourd'hui ou encore le maïs, le légume roi de l'époque. Il est intéressant de noter l'étymologie  du mot Moray, "lié au champ de maïs, qui s'appelait Aymoray, ou au mois de mai qui s'appelle aussi Aymoray, mais également à la pomme de terre déshydratée qui est la Moraya ou Moray". 

Pour Salinas, il s'agit d'un site permettant de récolter du sel issu d'une rivière qui passe par là, le site n'est plus si  exploité mais on voit encore quelques personnes s'afférer. La beauté du lieu avec ces couleurs bruns et ocres et les différentes déclinaisons des bassins qui s’offre en contre plongée est un grand moment de bonheur. Pouvoir se promener à ciel ouvert dans cet endroit est quelque peu magique. Au fond d'une vallée perdue, les vents soufflent et relatent cette histoire saline...

De Cuzco, l’appel du Macchu Pichu (la vielle montagne) devient pressant. La jungle sera notre point de départ, la descente jusqu'à environ 1900 mètres par les routes complètement défoncées est digne des plus grands films catastrophes. La question se pose de savoir si l’on peut survivre à un bus local qui fait un premier arrêt pour cause de crevaison (et de resserrement de boulons), enchaîne ensuite  par des passages à presque à 45° ; un simple glissement et l’envolée sera lyrique et unique… la fin est proche. Heureusement l’arrivée est là.

La découverte à vélo  de la beauté des paysages alliée à la luxuriance de la végétation, est on ne peut plus agréable. A la croisée des chemins de terres, se profilent de vagues villages quasiment enfouis dans le débordement de la nature reine, quelques cimetières bordent les routes, il doit faire bon de reposer en terre si belle, une fabrique de thé perdue est là avec ses odeurs et ponctuellement de vielles stations services émergent au milieu de nulle part.

On finit par arriver à destination, un petit village perdu dans la montagne, coincé dans la végétation Santa Theresa, une petite bourgade où l’on va passer la nuit, au bout du monde en quelque sorte, un endroit qui compte presque peut-être plus d'épiceries que d'habitants. Village devant être desservi par le train et se développer mais suite à un tremblement de terre, c’est la déliquescence annoncée qui a pris le pas.  Le temps dans cet endroit a une autre dimension que l’on retrouve dans cette  vieille bouteille de vin qui s’est transformée en Porto.
La nuit se passe, courte car le périple continue dans les ombres de la nuit. A l’aube, c’est la marche forcée qui se met en place, l’acide qui remonte et les muscles qui souffrent mais c’est sans compter avec le bonheur somptueux de découvrir les sources d'eau chaude de Santa Maria, véritable paradis perdu où nous sommes seuls au monde dans les différents bassins mis à disposition. 

La journée peut commencer, le soleil frappe, les traversées de rivières en charriot vont bon train avec pour seule compagne la forêt et sa beauté primitive. Nos pas nous guident vers le fond de la vallée, vers la ville des confins, Aguas calientes, au pied de laquelle a vécu, survit et resplendit maintenant le Macchu Pichu éternel, la cité perdue. Le grand jour est arrivé, la montée vers les cieux, vers la civilisation d’alors et l’aube rayonne sur les cimes, le Machhu Pichu se dévoile, intact presque figé dans le temps, vierge de toutes présences. Pour couronner le tout, l’ascension du Huayna Picchu est un morceau de bravoure qui se mérite mais la satisfaction à la clé est à la hauteur de vos espérances. Au sommet du pic, vous dominez la vallée, les montagnes environnantes et la tête dans les nuages vous respirez et vivez.

Plongez dans l’infinie splendeur du Pérou qui s’offre à vous encore vierge de vos pas