Chaise d'Edward Bond par Alain Françon au Théâtre de la Colline / by herwannperrin

 
Que dire de la pièce d'Edward Bond mise en scène par Alain Françon, mon coeur balance entre justesse du jeu des acteurs, de la mise en scène, de la scènographie et dureté de la pièce, du texte.
C'est une belle pièce assurément mais dans le même temps, soyons honnête, elle se mérite; ce n'est pas une de ces pièces que vous allez voir en dilletante ; elle interroge, elle surprend et dérange également dans le même temps. Cela faisait longtemps que je ne n'étais pas revenu au Théâtre de la Colline car c'est rarement simple de s'approprier les pièces qui y sont  proposées (enfin celle que j'ai pu voir évidemment). Celle-ci ne fais pas exception mais à le mérite d'être en phase et on ne peut nier la tension palpable dans le jeu des acteurs qui sont tous époustouflant de vérité. 
 
On lira avec intérêt le dossier réalisée par le Théâtre de la Colline sur Edward Bond pour mieux s'imprégner de son oeuvre : "Ses pièces s’interrogent sur les vraies raisons de cette inhumanité et cherchent à révéler les sources de ces problèmes pour les observer sans compromis. Pour Bond, celles-ci sont sociales et produites par les fonctionnements inégalitaires de la société. Aussi ses pièces partent-elles de l’ordinaire pour dévoiler, dans ce qui est tacitement accepté par tous, la réalité profonde de la violence dont ces sociétés sont capables".
 
Les acteurs que sont Stéphanie Béghain, Valérie Dréville, Pierre-Félix Gravière, Abbès Zahmani jouent à merveille si l'on peut dire, la prisonnière est saisissante de terreur et l'humour malgré tout arrive à transparaître dans cet enfer du futur qui nous rappelle étrangement un monde passé où rien n'était possible et où la terreur règnait, la dénonciation était courante et effective avec des conséquences de mort à très court terme.
Ici, on est le 15 juillet 2077, on est en face d'une mère et d'un fils, fils hérité dans un moment où elle a eu un élan d'humanité... Billy était un enfant abandonné, il ne l'apprendra que très tardivement et dans ce monde, c'est l'Interdit bravé qu'elle doit combattre depuis 26 ans; Billy n'a jamais vu le ciel et reste à dessiner entre ces deux pièces de peur qu'il soit pris et emprisonné, voire tué tout simplement; elle regarde par la fenêtre et entreaperçoit une femme au visage difficilement reconnaissable, elle semble la connaître elle veut l'aider ou aider le soldat qui attend le bus depuis 3 heures, dans ce futur proche totalitaire, rien n'est possible et amener une chaise est probablement un acte de trahison... elle descend, et là tout bascule, les conséquences auront des répercussions, la machine du bureau des Enquêtes sociales entre en action, la fin est proche...
 
Un extrait de la pièce Chaise repris du petit Agenda : "BILLY. – J’ai été sage. J’ai dessiné une histoire. Tu veux que je raconte ? Regarde – L’homme s’est levé un matin et il a dit : " Aujourd’hui je vais aller à l’endroit le plus éloigné de toute la terre. " Ça fait loin pour y aller. Si notre fenêtre était dix fois plus grande – un million de millions de fois plus grande! – on pourrait pas voir l’endroit le plus éloigné de la terre. Bon l’homme a descendu la route jusqu’à ce qu’il arrive devant une grande crevasse. Sur le bord, il a regardé. C’était si profond qu’il pouvait pas voir le fond. Il entendait l’obscurité grogner et grincer des dents. Regarde j’ai mis les dents. (Grogne.) L’homme a dit – je lui ai pas encore trouvé de nom – " Je ne vais pas descendre là-dedans. Il faut que je saute par-dessus la crevasse. " Il a sauté et la crevasse a bondi et a fait claquer ses mâchoires. Clac! Clac! Il est tout juste arrivé à atteindre l’autre côté – C’était son jour de chance. Mais il a perdu une de ses deux chaussures".
 
Interrogation sur un monde que l'on ne veut pas imaginer, que l'on ne veut pas (re)découvrir et qui n'augure de rien de bon... à partir du réel, du quotidien, en filigrane la toile se tisse du totalitarisme imergé dans tous les recoins de la vie, la vie privée telle qu'on peut la connaître a disparu, le néant petit à petit grignote le quotidien et la rédemmption n'existe pas dans ce monde déshumanisé où le goût de la vie n'a plus de substance... est-ce que Billy pourra un jour découvrir ce monde extérieur et comment se l'appropriera t-il... aura t-il le loisir de le palper, de le goûter...
 
La bande annonce de la pièce.... et retrouvez Chaise sur le Théâtre de la Colline et voilà...