Le voyageur à l'échelle de Jean-Loup Trassard / by herwannperrin

C'est plusieurs sens que prend ce livre au titre a priori sans ambages mais au final est-ce qu'il est question de passage dans un autre monde fait de miniatures et en décors, d'une certaine manière de mettre en perspective, un nouveau monde trouvé par un explorateur des lettres ou encore je ne sais quoi... en tout cas, l'univers dépeint parJean-Loup Trassard mérite que l'on s'y arrête quelques instants tant il est d'une finesse et d'une poésie toute particulière. De plus, je me suis retrouvé projeté dans un autre univers, celui de ce très cherJorge Luis Borges qui nous raconterait par delà la tombe l'histoire d'Hippolyte Deume , dont au final je n'arrive pas à savoir s'il est de fictions ou au réel. Étrange sentiment que de se laisser guider nonchalamment à travers ces pages à la recherche de la demeure ou gît notre homme, tout en apprenant au détours des pages, des bancs un peu de sa vie qui a été; on s'attache à lui et on aimerait presque à le rencontre mais c'est trop tard, il n'est plus...

"Poussant la grille rouillée, plus par étonnement cette fois qu’avec une idée de recherche, nous sommes entrés dans cet enclos oublié, aux tombes anciennes, modestes, malmenées par le temps. Croix penchées, entourages déchaussés, couronnes de perles qui s’égrènent, quelques tombes ornées d’un maigre genévrier certes toujours vert mais n’appréciant guère la terre acide de la région, l’une d’elles même surmontée par deux cyprès peu élevés. Ceux-là s’étant rejoints servaient de support à un rosier de petites roses pâles très odorantes qui s’accrochait partout et signait le charme ancien du lieu. Il restait des places libres !
Enfin, à parcourir l’herbe tout de même entretenue où les tombes se trouvaient plus ou moins rangées, encore une tombe que veillent des buis, une stèle sans croix, plutôt un grand morceau d’ardoise épais, conservé brut et portant… ah ! portant l’inscription : “ Ici reposeHippolyte Deume ” et sur une troisième ligne “ Il aimait tant la vie ”. Nous devons le dire parce que cette réaction corporelle fut surprenante : nous avons eu envie de nous agenouiller, tant respect pour le personnage que remerciement aux forces inconnues qui dans la plus parfaite discrétion faisaient un tel cadeau à notre fidélité. Non seulement nous avions trouvé la tombe d’Hippolyte Deume, mais qui serait allé l’enterrer là, encore que la distance à sa maison n’excédât guère cinq kilomètres, s’il n’avait choisi lui-même ce lieu champêtre où terminer sa part d’éternité, et sans ombre d’un doute la stèle ? Là se dévoilait, sous forme de terre, de pierre, et de buis aussi, l’une de ses pensées, sinon des plus étonnantes du moins parmi les plus graves".

Et puis ces petites phrases juxtaposé aux côtés d'une photo de ce cher Hippolyte Deume, monde parmi les mondes vous disais-je mais oui effectivement, on est à la limite de la réalité; écoutez ce passage et laissez vous tenter par cette aventure poétique ....

"Pourquoi les hautes dimensions attirent-elles, ne sommes nous pas à la mesure de notre planète, pas habitués sur elle ? Du plus loin, nous tentions d'évaluer la distance, le temps pour gravir. Il semblait improbable que nos courtes enjambées pussent conduire au but. A travers la chaleur où l'espace ondulait j'essayais toujours de nous imaginer là où nous n'étions pas encore"

Un univers à découvrir