Anticorps d’Antoine d’Agata au BAL / by herwannperrin

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anticorps-antoin-d-agataAvec cette exposition sur l’oeuvre d’Antoine d’Agata, le BAL donne à voir un fragment de la vie et de l’engagement du photographe.Deux salles, la première épurée, des paroles sans images, quelques tracs et des photos-flyer rescapés pour se rappeler.“c’est une quête cruelle et sans issue que d’embrasser la violence de la rue, d’en vivre l’expérience dans sa chair: apprendre le langage meurtrier qui dépasse toutes les poésies, traquer l’irruption de la vie, sale et brutale, dans l’ordre des convenances, chercher la vérité fragile des gestes, reconnaître la solidarité là où d’autres voient un néant irrémédiable, se laisser submerger par la beauté intolérable des filles, s’enfermer dans la certitude d’une solitude radicale, se mettre à nu, confondu au monde physique qui s’efface dans un glissement, et payer le prix, jusqu’au sacrifice l’obscénité est dans l’hypocrisie des lois, l’abrutissement psychologique de la masse soumise, la limitation des mouvements de la chair au sein du champ social, la culture de la peur et de l’insécurité, l’étouffement planifié de l’expérience, l’infinité de technologies qui perpétuent l’autorégulation et la discipline de foules fascinées par le spectacle de leur asservissement et la promesse d’une félicité nouvelle l’idée de révolution est vouée au désastre, mais, dans le bordel, les corps évoluent sur le mode de cellules terroristes autonomes, entraînées à la survivance stratégique contre un ennemi totalitaire les seuls points de repère sont quelques images rescapées n’est valide qu’un art nuisible, subversif, asocial, athéiste, érotique et immoral, antidote à l’infection spectaculaire qui neutralise les esprits et distille la mort l’outil photographique porte en lui les germes de l’action, le geste équivalant à l’acte perceptif même: la photographie comme art martial dont l’unique principe serait le désir du monde la communauté hybride de ceux qui n’ont rien échappe malgré elle au rêve de la marchandise, aux impératifs de la consommation et à la parcellisation du réel; elle redécouvre l’insatisfaction, se forge un destin propre pour s’inscrire comme sujet dans l’histoire, vivre dans l’infamie, se défaire de l’esclavage par l’assouvissement de l’instinct, refuse de fait de consentir à son exploitation pour se fondre dans une danse du sexe et de la mort face à l’oppression que génère l’abondance d’images stéréotypées, et leur démultiplication par les industries culturelles, face à cette pornographie généralisée, vivre devient le seul enjeu; et la seule œuvre possible dont il peut être question est la perpétration d’actes insensés”La seconde est une installation qui n’est pas banale, un cube rempli de photographies, comme l’indique Bernard Marcadé, un carrotage dans l’oeuvre d’Antoine d’Agata, 20 ans de photographie, de voyages, de rencontres, d’interviews, d’échanges, de dépassement des limites, les siennes assurément.Des fragments de sa vie pour dire sans parole l’indicible, les limites du visible, se confronter au réel qui est là à nos portes et que l’on ne voit pas où que l’on ne veut pas toujours voir.Les photographies que l’on voit dans cet espace, cette installation sont difficile, sont réelles, elles résonneront longtemps en vous de par le choc qu’elle provoque.antoine-d-agata-CHAP-06-635x635L’espace-temps est réduit à quelques mètres dans lesquelles apparaissent entrelacés, entremêlés les photographies qu’Antoine d’Agata a ramené de ses périples. C’est difficile de se plonger dans ses images du monde. La souffrance est là, celles du monde du dehors et celles de la vie que d’Agata a mené pour nous ramener ces images cauchemars qui témoignent de la vie de l’artiste, témoins vivants de la vie sexuelle, de l’alcool et de la drogue; de son exposition face à la mort.Deux visions se côtoient, celle de la nuit, des ses nuits avec les prostitués et de la violence qui s’en dégage et celle du jour, plus politique à leur manière si l’on peut dire avec Sangate, la Palestine,...“Les zones de non-droits sont des territoires de tous les écrats, refuges de spécimens d’humanité blessée, espace clos et privilégié où la bestialité sape les bienséances et les règles socialesantoine-d-agata-CHAP-08-635x635Entre violence sexuelle et sociale, d’Agata nous emmènent là ou on ne voudrait pas aller, pour voir ce qui est caché, ce qui n’est pas dit. Avec les nuits, c’est la misère sexuelle qui est affichée, celles de ces femmes prostituées : “c'est que pour survivre, elles sont forcées de réinventer un mode d'être, qui passe par la jouissance narcotique, sexuelle. C'est la seule façon de ne pas crever en silence. Cette violence se retourne contre elles, elle est sans objet, aveugle, désespérée. Mais elle va contre les structures, contre les morales, la fatalité de la misère. Quand tu n'as rien, il n'y a pas d'autre choix que la sensation. C'est pour ça que la drogue a tant d'importance dans ce monde. C'est l'outil le moins cher qui te fait sentir, exister”.Voilà, quelques instants à voir mais sans enfants !Deux interviews à écouter : http://vimeo.com/58376093 et http://vimeo.com/58376094A lire : Vortex, Insomnia, Stigma, Manifeste, Ice et AnticorpsBAL : http://www.le-bal.fr/Impasse de la défense - 75017 ParisJusqu’au 24 avril