Mon ange de Guillermo Rosales [7/10] / by herwannperrin

Un livre poignant que celui de Guillermo Rosales, un exilé cubain communiste et révolutionnaire du début qui est exilé sur le sol américain. 

Miami, cette grande dame lui tend les bras et sa famille qui l'accueille comme un moins que rien et lui dénie tout place dans cette nouvelle société. La seule issue proposée est le Boarding Home, un asile de fous. Tenu par Curbelo, un ancien cubain exilé sans foi ni loi et Arsenio son homme à tout faire qui n'est plus qu'un homme bière volant, violant et violent. C'est l'antre de la misère qui attend William Figueras, lui qui a lu tout Proust, Joyce, Hemingway,.. à quinze ans. C'est le fond du fond, la vie qui s'arrête où plutôt qui s'effondre d'elle-même pour que commence une longue agonie faite de violence, de dégoûts. Dans cet asile des gens en perdition se croisent, errent dans les limbes de la société devenant pour ainsi dire des fantômes, des non-humains sans plus aucune dignité. 

Le refus de la mise en cage sera plus fort enfin quelques jours mais la société ne laisse pas s'échapper aussi facilement les êtres en perdition, la manne financière et l'absence de perspective font le reste. Difficile de redevenir normal lorsque l'on est tombé dans ce monde là et que l'on a plus d'autres repères qu'un vieil ami qui ne peut plus rien pour vous...

Longue descente aux enfers de cette homme brisé, critique acerbe à la fois du régime castriste, des exilés cubains, de la société américaine...

Dans le réel, Guillermo Rosales a été dépressif, malade et a été interné dans un asile semblable à son Boarding home... 

On peut lire sur le quatrième de couverture que "Reinaldo Arenas et Carlos Victoria ont célébré dans leurs ?uvres Guillermo Rosales, l'ami génial et fou qui s'est donné la mort".

Extrait : "On pouvait lire boarding home sur la façade de la maison, mais je savais que ce serait mon tombeau. C'était un de ces refuges marginaux où aboutissent les gens que la vie a condamnés. Des fous pour la plupart. Mais aussi des vieillards que leurs familles abandonnent pour qu'ils meurent de solitude et n'empoisonnent plus la vie des triomphateurs.
? Ici tu seras bien, dit ma tante, assise au volant de sa Chevrolet dernier cri. Il n'y a plus rien à faire, tu l'admettras.
Je comprends. Je ne suis pas loin de la remercier de m'avoir trouvé ce taudis pour rester en vie sans avoir à dormir sur des bancs publics, dans des parcs, couvert de crasse, en traînant mes baluchons de vêtements.
? Il n'y a plus rien à faire.
Je la comprends. J'ai été enfermé dans trois asiles de fous au moins depuis que je suis ici, dans cette ville de Miami où je suis arrivé il y a six mois pour fuir la culture, la musique, la littérature, la télévision, les événements sportifs, l'histoire et la philosophie de l'île de Cuba. Je ne suis pas un exilé politique. Je suis un exilé total. Je me dis parfois que si j'étais né au Brésil, enEspagne, au Venezuela ou en Scandinavie, j'aurais fui tout autant leurs rues, leurs ports et leurs prairies. 
? Ici tu seras bien, dit ma tante.
Je la regarde. Elle me regarde avec dureté. Aucune pitié dans ses yeux secs. Nous descendons. On pouvait lire boarding home sur la maison. Une de ces maisons qui recueillent la lie de la société. Des êtres aux yeux vides, aux traits anguleux, aux bouches édentées, aux corps malpropres. Je crois que de tels lieux n'existent qu'ici, auxEtats-Unis . On les connaît aussi sous le nom de homes tout court. Ce ne sont pas des établissements publics. N'importe quel particulier peut en ouvrir un à condition d'obtenir la licence del'Etat et de suivre un stage paramédical. "