Antonin Artaud à la BNF / by herwannperrin

C'est un très beau moment qui nous est offert de voir, lire, regarder, appréhender et surtout continuer que cette rencontre avec Antonin Artaud.

Partir à la découverte de la vie d'Artaud, de cette vie de "génie fou" qui a touché à tout à la fois la poésie et l'écriture mais au le théâtre, la peinture, le dessin, les films nous laissant jusqu'à l'empreinte de sa voix par delà les années. Homme complexe dont l'exposition est tel un iceberg, la porte d'entrée d'un monde à découvrir et à explorer, une invitation au voyage dans l'esprit d'Artaud. Composé de différentes salles permettant de naviguer entre les différents arts affectionnés par le "poète maudit" si l'on peut dire cela vous permet d'avoir quelques précieux éléments de biographie, lire ses écritsd'enfermement et il y en a eu, ses péripéties en Irlande, sa rencontre avec les surréalistes, certes brèves mais qui restera ancrée dans son oeuvre puis la création du Théâtre Alfed Jjarry et ses quelques représentations, son parcours etla découverte du Peyolt, sa relation particulière aux médecins et à la médecine et inversement, la sensation pour certains de ses médecins d'être devant un home hors normes, l'encouragement vers la découverte de son moi. Oncontinue également avec les films avec quelques extrait où vous êtes subjugués par ces talents et sa présence à l'écran, cette force brute et vivante, je pensenotamment à son interprétation de Marat dans Napoléon d'Abel Gance. et puis son travail sur la peinture avec Van Gogh le suicidé de la société que je suis en train d'arpenter et dont vous pouvez écouterun extrait sonore sur Incipit. La force de ses dessins également est là souvent difficiles à appréhender et puis sa voix avec l'enregistrement de son "poème interdit"  parl'ORTF en 1948 "Pour en finir avec le jugement de Dieu" et qui ne sera diffusé qu'en 1973; vous pouvez l'écouter surArtaud.info ou sur la revue des ressources.

Pour aller un peu plus loin, la lecture du Magazine littéraire n°434 de septembre 2004 est plus que nécessaire et d'un abord tout à fait passionnant. En effet, on y retrouve maintes analyses de spécialistes d'Arthaud mais également d'artistes qui ont été influencé par l'oeuvre de l'homme.

Evelyne Grossman livre ainsi un article passionnant intituler "Lire, délier, délirer Artaud" dans lequel par exemple elle indique : "Le mot chez Artaud est mise en acte d'incessants lapsus volontaires : la langue tombe, le sens s'effondre et ressurgit à la verticale, à l'oblique. Ceux qui ont voulu comprendre, écrit-il, sont ceux qui n'ont pas voulu souffrir, /l'idée de comprendre / [...] et de croire que je suis intelligible / seti lisible / stari minible / moni tanible / mani cortible / (corticable)". Artaud n'est donc pas "corticable" (dé-corticable, dé-corps-ticable, dépeçable) et de même "seti lisible" est-il à entendre comme la fusion paradoxale de la question et de la réponse : "c'est-ti-lisible ?" (dans cette langue populaire qu'Artaud affecte souvent) - "c'est illisible !" ou encore "Mais que les mots enflés de ma vie s'enflent ensuite tout seuls de vivre dans le b.a.-ba de lnullécrit. C'est pour les analphabètes que j'écris". Il se peut que cela soit à entendre comme le fit Deleuze : j'écris à la place des analphabètes; je donne ma langue à ceux qui n'en n'ont pas. Il se peut aussi qu'il faille, avec Artaud, réapaprendre (nous sommes tous des analphabètes)."

Il faut noter également cet enregistrement Vidéo d'Anais Nin très touchant sur ses rapports avec Artaud qui l'apprécie infiniment cette magnifique lettre de Paule Thévenin à Antonin Artaud. Artaud, c'est ce regard fou qui vous touche au plus profond et vous interroge sur votre place en ce monde.

L'entretien mené par Evelyne Grossman avec Jacques Derrida est également d'une finesse et d'un attrait particulier lorsqu'il évoque cet "impouvoir d'écriture" : " (...) je me suis trouvé en sympathie avec cet homme qui disait qu'il n'avait rien à dire, que rien ne lui était dicté en quelque sorte, alors que pourtant l'habitaient la passion, la pulsion de l'écriture et sans doute déjà la mise en scène. (...) j'ai dû toujours cherche à penser que cette expérience du "ne rien avoir à dire" avant d'écrire avait d'essentiel pour toute écriture. d'une certaine manière, al responsabilité de l'écriture, de ce qu'on appelle la création en général, est toujours ressentie comme un creux à partir d'un vide - une sorte dekénose de l'écriture - tel que, au fond, ce qu'il y aurait à dire n'existe pas avant l'acte de dire; (...) "

Son arrivée dans les surréalistes est également intéressante en 1926, elle ne durera par contre que deux ans même si pas mal de contact perdureront entre eux après et qu'il s'inscrira contre eux ensuite..., il sera quand même  là pour le numéro 3 de la révolution surréaliste ; on peut lire qu'après la  fermeture du bureau de recherches surréalistes, le 30 janvier 1925, c'est Artaud qui en prend la direction, "Après délibération, la direction du Bureau de recherches a été  confiée à Antonin Artaud, avectous les pouvoirs". Gérard de Cortanze revient sur le surréalisme. L'entrée d'Artaud dans le surréalisme c'est : "le surréalisme vint à moi à une époque où la vie avait parfaitement réussie à me lasser, à me désespérer et où il n'y avait plus pour moi d'issue que dans la folie ou dans la mort (...) Sansméconnaître les avantages de la suggestion collective, je crois que la révolution véritable est affaire d'individu " et son hommage par Breton pour sa sortie de l'asile en 1946 : "Au nom de tout ce qui me tient plus que jamais à coeur, j'acclame le retour à la liberté d'Antonin Artaud dans un monde où la liberté même est à refaire (...) je salue en Antonin Artaud la négation éperdue, héroïque, de tout ce que nous mourrons de vivre".

On regardera aussi avec émotion l'interview de Blin sur l'épisode du Théâtre du Colombiers, hommage à Artaud...

Il y a également ce témoignage et l'oeuvre hommage d'Ernest Pignon-Ernest qui a réalisé un mural d'Artaud dans al buanderie désaffectée de l'Hôpital d'Ivry-sur-Seine et qui revient sur ses dessins et leur appréhension : "ce qui me frappe d'abord dans tous les dessins qu'Artaud a réalisés dans ces dernières années  c'est qu'il paraissent  hors influences, comme s'ils étaient étranger à tout e inscription dans l'histoire de l'art".

J'aime beaucoup une de ces dernières lettres, très touchante

"Il est entièrement faux
que je n'aie pas toujours
été là
et qu'il m'ait fallu
un jour commencer
à exister

L'homme est jeté brusquement dans la vie
en état de science infuse
il lui faut simplement s'apprendre (1) à ne pas mourir.

Il fut un temps
et c'était le temps du temps
ou faire du théâtre
c'était changer de sphère
on quittait un monde
mais pour n'y plus revenir

c'est l'histoire même
de l'arche de Noé

j'ai changé de monde
et de sphère en effet dans al nuit
du      au
décembre 1947
quand mon coiffeur m'a trouvé baignant dans mon sang
et dans celle de la Noël


Il y a la vie
de l'homme
qui naît d'un coup
et celle du madrépore
qui après des milliards d'ans
de tentatives
pour être
y renonce
tout d'un coup

(c'est faux)

15 jours
après
quand je me suis trouvé
moi
avec mon pull over
couvert de merde
qu'il y en avait
un tas
de l'épaisseur

du
poing


L'être n'a jamais existé
mai mon pull over couvert de merde
a existe en décembre 1947
Antonin Artaud"

Poète de la modernité dont la voix et les écrits résonnent et résonneront d'autant plus à découvrir à la BNF sans plus attendre

Quelques liens pour en savoir plus sur l'homme et son oeuvre

Du 7 novembre 2006 au 4 février 2007
Bibliothèque nationale de France – site François-Mitterrand
Quai François-Mauriac – Paris XIIIe
Métro : Bibliothèque – Quai de la Gare