Antoine d’Agata

Virus d'Antoine d'Agata by Herwann Perrin

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Voilà qu’Antoine d’Agata bien connu du milieu photographique exposait les photographies qu’il avait emmagasiné pendant la première période du confinement, plus précisément entre le 11 mars et le 11 mai 2020

L’exposition de 1.000 photographies sur les 13.000 réalisées par l’artiste avec une caméra thermique proposait une vision de la capitale confinée, à l’épreuve de l’épidémie de Covid-19

Dans cette série fantomatique, les rues s’abandonnent, se vident seuls certains humains survivent au beau milieu de cet espace urbain abandonné, vite ré-approprié par les animaux que la présence de l’homme écarte.

Seuls les gestes répétitifs des soignants restent, presque mécanique de l’impossible lutte pour la survie des autres, des humains, de nous. Une série assez saisissante dans une période compliquée pour tous

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La caméra thermique enregistre les seuls rayonnements infrarouges émis par les corps avec leurs variations de température. Un théâtre étrange qui s’affiche devant nos yeux ébahis et malheureusement, l’exposition a été annulé récemment car comme tout le monde sans doute l’épidémie n’est pas encore repartie, elle est là qui circule autour de nous et tue de manière aléatoire

Quelques éléments supplémentaires avant de vous donner un aperçu

“Une occasion de témoigner de ce moment où la création ne pouvait plus s’exprimer dans des théâtres fermés, mais par des formes inattendues. Bien loin de l’art lyrique, La vie nue témoigne de ce temps suspendu, de ces hôpitaux débordés et de ces villes désolées. »

La vie nue nous entraîne dans un voyage halluciné, depuis le décor incandescent de la ville confinée, où les rares rescapés errent sans raison, jusque dans l’hôpital, où les gestuelles des soignants et patients porteurs du virus deviennent rituels de vie et de mort. Antoine d’Agata transforme ces espaces opaques en un théâtre d’ombres vidé de tout semblant de réalité et oblitère la surface même des choses, l’épiderme des êtres et du monde, pour en révéler la dimension tragique.




Antoine d'Agata à la galerie Les filles du calvaire by herwannperrin

20130409-075404.jpgAprès l'exposition au BAL, la galerie Les filles du calvaire elle aussi exposé quelques photographies d'Antoine d'Agata.Les œuvres de l'artiste sont moins tranchantes et l'ambiance moins suffocante que celle mise en place au BAL mais il s'en dégage déjà cette même sensation de malaise, de mal être et de perdition.Les visages se perdent, se tordent les personnes disparaissent, ne sont plus et reprennent vie. Le sexe est la béant et la vie semble passer la dessus comme si de rien n'était. Le sordide est et restera dans les mémoires, la détresse sans doute est là qui perle mais ce n'est pas le moment ni le lieuUne exposition et des photos qui interpellent encore une fois, il y a une torsion particulière dans les photos d'Agata et les femmes s'effacent tut en étant la en première ligne, elles ne sont plus ce qu'elles sont habituellement et je ne sais pas si on veut voire leur vrai visageIl suffit de lire cet extrait pour mieux envisager son travail :"Le processus est brutal. Ma pratique implique un passage à l'acteur permanent. Par la transgression de la frontière séparant le photographe de son sujet, je suis devenu l'objet de mes images, l'acteur contraint d'un scénario que j'ai moi-même élaboré. Le manque, la souffrance, le vieillissement de la chair, la nécessité de jouir et celle, plus subtile, de faire jouir, tout me ramène, à travers l'acte sexuel, à mon propre corps. Je ne peux photographier si je ne suis pas acteur à part entière des situations dans lesquelles je m'immisce ou que je provoque. Épicentre d'un champ de filtres, de prismes et de zones d'ombres, je photographie ce que je fais, je fais ce que je photographie. Tenter de rendre visible cette fracture nécessite de se trouver d'un côté ou de l'autre et d'avoir intégré la césure comme une partie de soi. Je me soumets docilement et, au fur et à mesure que je me perds dans ma pratique, que ma vie touche à la dissolution, que mon corps se disloque, que ma photographie me devient étrangère, je suis de plus en plus seul dans mon entreprise de reconstruction."la galerie Les filles du calvaire17 Rue des Filles du Calvaire, Paris01 42 74 47 05

Anticorps d’Antoine d’Agata au BAL by herwannperrin

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anticorps-antoin-d-agataAvec cette exposition sur l’oeuvre d’Antoine d’Agata, le BAL donne à voir un fragment de la vie et de l’engagement du photographe.Deux salles, la première épurée, des paroles sans images, quelques tracs et des photos-flyer rescapés pour se rappeler.“c’est une quête cruelle et sans issue que d’embrasser la violence de la rue, d’en vivre l’expérience dans sa chair: apprendre le langage meurtrier qui dépasse toutes les poésies, traquer l’irruption de la vie, sale et brutale, dans l’ordre des convenances, chercher la vérité fragile des gestes, reconnaître la solidarité là où d’autres voient un néant irrémédiable, se laisser submerger par la beauté intolérable des filles, s’enfermer dans la certitude d’une solitude radicale, se mettre à nu, confondu au monde physique qui s’efface dans un glissement, et payer le prix, jusqu’au sacrifice l’obscénité est dans l’hypocrisie des lois, l’abrutissement psychologique de la masse soumise, la limitation des mouvements de la chair au sein du champ social, la culture de la peur et de l’insécurité, l’étouffement planifié de l’expérience, l’infinité de technologies qui perpétuent l’autorégulation et la discipline de foules fascinées par le spectacle de leur asservissement et la promesse d’une félicité nouvelle l’idée de révolution est vouée au désastre, mais, dans le bordel, les corps évoluent sur le mode de cellules terroristes autonomes, entraînées à la survivance stratégique contre un ennemi totalitaire les seuls points de repère sont quelques images rescapées n’est valide qu’un art nuisible, subversif, asocial, athéiste, érotique et immoral, antidote à l’infection spectaculaire qui neutralise les esprits et distille la mort l’outil photographique porte en lui les germes de l’action, le geste équivalant à l’acte perceptif même: la photographie comme art martial dont l’unique principe serait le désir du monde la communauté hybride de ceux qui n’ont rien échappe malgré elle au rêve de la marchandise, aux impératifs de la consommation et à la parcellisation du réel; elle redécouvre l’insatisfaction, se forge un destin propre pour s’inscrire comme sujet dans l’histoire, vivre dans l’infamie, se défaire de l’esclavage par l’assouvissement de l’instinct, refuse de fait de consentir à son exploitation pour se fondre dans une danse du sexe et de la mort face à l’oppression que génère l’abondance d’images stéréotypées, et leur démultiplication par les industries culturelles, face à cette pornographie généralisée, vivre devient le seul enjeu; et la seule œuvre possible dont il peut être question est la perpétration d’actes insensés”La seconde est une installation qui n’est pas banale, un cube rempli de photographies, comme l’indique Bernard Marcadé, un carrotage dans l’oeuvre d’Antoine d’Agata, 20 ans de photographie, de voyages, de rencontres, d’interviews, d’échanges, de dépassement des limites, les siennes assurément.Des fragments de sa vie pour dire sans parole l’indicible, les limites du visible, se confronter au réel qui est là à nos portes et que l’on ne voit pas où que l’on ne veut pas toujours voir.Les photographies que l’on voit dans cet espace, cette installation sont difficile, sont réelles, elles résonneront longtemps en vous de par le choc qu’elle provoque.antoine-d-agata-CHAP-06-635x635L’espace-temps est réduit à quelques mètres dans lesquelles apparaissent entrelacés, entremêlés les photographies qu’Antoine d’Agata a ramené de ses périples. C’est difficile de se plonger dans ses images du monde. La souffrance est là, celles du monde du dehors et celles de la vie que d’Agata a mené pour nous ramener ces images cauchemars qui témoignent de la vie de l’artiste, témoins vivants de la vie sexuelle, de l’alcool et de la drogue; de son exposition face à la mort.Deux visions se côtoient, celle de la nuit, des ses nuits avec les prostitués et de la violence qui s’en dégage et celle du jour, plus politique à leur manière si l’on peut dire avec Sangate, la Palestine,...“Les zones de non-droits sont des territoires de tous les écrats, refuges de spécimens d’humanité blessée, espace clos et privilégié où la bestialité sape les bienséances et les règles socialesantoine-d-agata-CHAP-08-635x635Entre violence sexuelle et sociale, d’Agata nous emmènent là ou on ne voudrait pas aller, pour voir ce qui est caché, ce qui n’est pas dit. Avec les nuits, c’est la misère sexuelle qui est affichée, celles de ces femmes prostituées : “c'est que pour survivre, elles sont forcées de réinventer un mode d'être, qui passe par la jouissance narcotique, sexuelle. C'est la seule façon de ne pas crever en silence. Cette violence se retourne contre elles, elle est sans objet, aveugle, désespérée. Mais elle va contre les structures, contre les morales, la fatalité de la misère. Quand tu n'as rien, il n'y a pas d'autre choix que la sensation. C'est pour ça que la drogue a tant d'importance dans ce monde. C'est l'outil le moins cher qui te fait sentir, exister”.Voilà, quelques instants à voir mais sans enfants !Deux interviews à écouter : http://vimeo.com/58376093 et http://vimeo.com/58376094A lire : Vortex, Insomnia, Stigma, Manifeste, Ice et AnticorpsBAL : http://www.le-bal.fr/Impasse de la défense - 75017 ParisJusqu’au 24 avril