BLOG CULTUREL
Pygmalion avec entre autres Nicolas Vaude et Barbara Schultz
Abordez la bourgeoisie avec la délectation qui convient, ce sujet si actuel et si sensible a maintenant été déplacé mais est bien encore de saison voire de société plus encore. En effet, quel jeu cruel se cache derrière le fait de vouloir telle une bête de cirque dressée, apprendre à une jolie mais pouilleuse vendeuse de violette à avoir une diction digne d’une duchesse, voilà les termes du pari nauséeux conclu entre le Professeur Higgins alias Nicolas Vaude et le Colonel Pickering alias Henri Courseaux et tout cela juste pour relever un défi dont la participante n’est autre qu’ Elisa Doolittle alias Barabara Schultz.
Satyre de la bourgeoisie qui ne reconnaît parmi elle que ses pairs comme finalement un peu toute communauté qui a ses codes, ses manières. Il n’empêche, la bourgeoisie, enfin une certaine partie de cet aréopage qui nous est montré est cruellement fade, insipide et ennuyeux, alors lorsque surgit cette belle vendeuse de violette en pleine transformation, que va-t-il se passer ?
Et puis, nécessité oblige son père talentueux discoureur qui ne rêve que de bonheur et d’eau de vie à s’enfiler derrière la cravate vient revendiquer son dû pour sa fille dont il n’est que trop heureux de pouvoir la laisser en bonne compagnie si cela lui permet de se rincer le gosier… D’autres péripéties l’attendent néanmoins, le professeur Higgins ne connaît pas tous les peuples et les américains, semblent être disposés à récompenser une certaine forme de talent…
Entre le flegme britannique du colonel Pickering et l’absence complète de manière d’Higgins, elle avance et progresse doucement mais que va-t-il se passer si elle réussit sa difficile mission, si elle sort indemne et triomphante de la Garden Party de la duchesse, éloignée de son monde d’antan, sans toutefois être intégrée à celui d’aujourd’hui deviendra t-elle cette bête de foire tant redoutée où se faisant, sa prodigieuse capacité d’adaptation la sauvera t-elle de ce tourment et de biens d’autres…
Le caractère se forge et la condition des hommes ne se mesure pas seulement sur leur degré d’éducation mais plutôt leur prise en considération de l’autre… voilà une belle leçon que l’on oubliera pas de si tôt surtout avec une distribution si relevée des acteurs que l’on aimerait voir plus souvent
Le texte de Bernard Shaw écrit en 1912 est à la fois un révélateur des errements passés mais et c’est là qu’il interpelle de ceux d’aujourd’hui sous une autre forme certes mais toujours là, on recoupera cela avec un article du Monde du 21 février de Thomas Piketty intitulé « Education : les promesses de la discrimination positive » par exemple sur les nouveaux modèles sociaux à inventer en matière d’égalité des chances et on appréhendera alors mieux les enjeux sous-jacents de cette pièce à l’heure actuelle.
Et quels décors, vous en serez plus que charmé, on aimerait avoir une maison à tiroir comme celle-ci…
A absolument voir au Théâtre de la Comédia
4 Boulevard de Strasbourg, M° Strasbourg Saint-Denis (ligne 4)
La folle et véritable histoire de Luigi Prizzoti présentée par Edouard Baer

Bon je partais avec un mauvais a priori, j’aime bien Edouard Baer, il est sympa et d’une nonchalance plus que légendaire, l’ahuri absolu mais conscient et la personne la plus cool qui puisse paraître avec un degré d’improvisation proche de l’infini ce qui est quelque part plus que remarquable. Cependant, malgré des moments tout à fait surprenant, c’est le cas de le dire et des petits clins d’œils par ci par là, cela reste, un peu à l’instar de la Bostella dont j’ai d’ailleurs maintenant un vague souvenir, un show à la Edouard Baer sans qu’il tienne totalement la distance, inégal, le spectacle n’arrive malheureusement pas à convaincre et le scénario qui au début se tien un peu tombe de pacotille en pacotille tel un château de cartes qui s’évapore pour ne laisser que les brumes … Edouard Baer est toujours aussi bon, cela on ne peut le nier mais essayer de soutenir seul un spectacle avec autant de comédiens n’est pas aisé, il reste le personnage de l’oiseau bleu qui est le plus touchant et le plus attachant et que l’on se surprend à plus qu’apprécier ainsi que les textes du jeune homme au bras cassé qui rendent compte d’une réalité des vies ici bas qu’il est bon de connaître et que l’on oublie trop souvent.
Aussi, vous serez en demi-teinte avec ce spectacle entre rire et monotonie, dommage ; il n’est ni comique ni acteur, il est lui, c’est Edouard Baer, difficile d’en sortir me semble t-il… une prochaine fois, espérons
A la Cigale jusqu’au 26 février
Côté danse . Semaine du 20 février au 26 février prochain
Ce sont les rendez-vous Danse d’Arcadi, en partenariat avec le théâtre de la Cité Internationale (20 au 23 février) et La ferme du buisson (24 au 26 février), des compagnies connues ou inconnues (en devenir) évoluant autour de la danse contemporaine avec des expérimentations, des découvertes, je pense notamment à l’alliance danse et chant, côté inversé que devrait nous livre la chorégraphe Mathilde Monnier et le chanteur Philippe Katerine
Pour en savoir plus sur la programmation si vous ne l’avez pas, rendez-vous sur leur site ici
William Forsythe
Un ballet ne vaut pas tous les autres, trois petits ballets de William Forsythe valent l’or du monde. Pour une fois bien placé, c’est un enchantement de voir ces étourdissants danseurs évoluer sur scène tel des êtres venus d’ailleurs, les muscles saillants, se tendent, se détendent pour continuer leur ballet magique au rythme d’une envolée lyrique.
Cela commence avec Approximate Sonata, une approche plutôt contemporaine réalisée tour à tour par quatre couples de danseurs avec un son inhabituel pour un endroit tel que celui-ci et un travail sur la gestuelle, les corps et un peu de théâtre aussi, quelques clins d’oeils, on est comme dans une séance de travail au contact des danseurs dans leur nudité sans leurs attraits de costumes pour ainsi dire et ils nous montre ce qu’ils font de mieux à savoir danser et suivre ces mouvements de sons.
Ensuite vient The vertiginous Thrill of Exactitude, plus classique, avec Franz Schubert Allegro Vivace, une épopée lyrique et magique qui voit se succéder dans des costumes hérités des romains dans un vieil éblouissement décadent sur ton bordeaux et des danseuses aux attraits vers amandes/olives fluo qui s’élancent, virevoltent et telle une sarabande infernale nous montre la voie du divin sur terre ce qui n’est pas rien, vous en sortez abasourdi par al beauté et la virtuosité cela ne dure pourtant pas longtemps mais ces de ses instants qui devraient perdurer éternellement où qui contiennent en eux cette part d’éternité.
Enfin, avec Artifact Suite on commence par JohannSebastian Bach puis on continue avec Eva Crossman-Hecht au piano. C’est sur un tout autre registre que l’on avance ici, de soleils et de couleurs la scène se retrouve illuminée avec 33 danseurs et danseuses dont seul nous verrons les performances de quelques uns pendant que d’autres répètent un étrange ballet dans le ballet, sorte de reconnaissance, de jeux interne. Sublime en tout cas…
Je vous conseille seulement de vous dépêcher car c’est magique ces moments où tout s’arrête et où le regard reste suspendus en vol.
Une interview de William Forsythe en 2003
Juliette ou la clé des songes de Bohuslav Martinu
Et voilà encore un bel opéra qui vous permet de rêver les yeux ouverts avec des décors à vous enchanter et un chef qui vous emmène dans un autre univers, inspiré des surréalistes, Georges Neveux conte la rencontre d’un homme et de Juliette, la rêve t-il, l’aime t-il, sans nul doute ; exilé dans un monde où la mémoire a disparu, il est le garant d’un certain ordre et puis cet ordre bascule et le bureau des rêves apparaît
Des décors comme il ne pleuvait, non pas tant que ça mais d’une beauté et d’une originalité toute particulière, je pense évidemment à cette hôtel accordéon mais également au bureau des rêves, sorte de machine à écrire au visage et milles dossiers et puis cette scénographie du dormeur représentant Juliette, c’est très réussi je dois dire… chapeau bas…
Et puis je vous conseille de prendre le journal de l’opéra de paris « Ligne 8 » où la première partie de l’article de Françoise Mathilde Lantieri est remarquable, après par contre on a l’impression que le fil se détend et que l’on se perd mais enfin, cette première partie où elle nous dépeins la substance est remarquable et je reprendrai son ouverture reprise à Breton dans Nadja « Il se peut que je sois condamné à revenir sur mes pas tout en croyant que j’explore, à essayer de connaître ce que je devrais fort bien reconnaître, à apprendre une faible partie de ce que j’ai oublié ».
Le thème de la femme, repris aux surréalistes insiste sur la faculté de celle-ci de s’inscrire dans cet élan d’éternité qui l’a met au cœur de nous et par elle, c’est la beauté, la jeunesse et la vie qui passe jusqu’à nous, le rêve, ce moment unique et multiples où parti retrouvés les anges on en croise d’autres et on n’arrive souvent plus à savoir qu’elle est la réalité qui nous entoure, sorte de voyage initiatique ou du moins intérieur où l’écho de l’hôtel du navigateur nous rappelle que nous sommes bien dans ce cycle, cette mémoire perdue que l’on essaye de retrouver par un médiateur, un envoyé… Michel en l’occurrence et tout au long de ce périple, les signes continuent et abondent dans ce sens, c’est la croisée des chemins, la forêt où tout l’inconscience et la nature aspire à être et les étoiles ultimes carrefour où les yeux peuvent nous porter avant de sombrer…
Et puis il y a ce moment de basculement où nous devenons acteurs à part entière et pris à témoin, nous sommes ces « Ils rêvent tout le temps ? Alors ce sont des fous ! », c’est de nous qu’il est question, dans notre posture sommes bien là, aux aguets, à scruter les moindres frémissements…
C’est aussi quelque part la fin des illusions et le retour à la réalité dur, difficile qui est en jeu et ce combat incessant de tous les jours….
Si vous avez l’occasion, n’hésitez pas…
Pour en savoir plus sur la représentation, il vous suffit de lire le résumé de Juliette où la clé des songes sur le site de l’opéra de Paris
Des extraits vidéo du spectacle ici
A lire aussi, en parallèle, le palais des rêves d’Ismaïl Kadaré, un très beau livre qui s’éloigne du sujet mais sui en vaut la peine, regard sur un ancien monde ou la liberté était chère…